0.  Généralités

La nomination des Commissaires Spéciaux et Commissaires Spéciaux Adjoints, en octobre 2015, suivie de l’investiture des Gouverneurs et Vice-Gouverneurs, en avril 2016, pour les 21 nouvelles provinces, en général, et la Province de Mai-Ndombe, en particulier, marque une étape importante dans la désignation des animateurs provinciaux et le début d’un grand challenge interprovincial dans la mise en œuvre des programmes de développement au niveau des provinces. La vitesse de décollage desdites entités dépendra de la capacité de leurs animateurs à réunir les intelligences pour lever le défi du sous-développement, car dit-on, «  le sous-développement est un état permanent de sous-réflexion ».

Cette réflexion tente de présenter les efforts entrepris par le Gouvernement Provincial de Mai-Ndombe dans la mise en place de sa Régie Financière, d’une part, et surtout, les forces et faiblesses de cette mise en œuvre, d’autre part,  aux fins de remplir ses missions et prérogatives en matière des recettes fiscales, non fiscales, exceptionnelles et conventionnelles revenant à la Province de Mai-Ndombe.

Notre réflexion recourt à la méthodologie qualitative, à l’entretien, la documentation et l’observation  réalisées lors des différentes tournées effectuées dans les huit territoires de la province pour évaluer le potentiel fiscal et non fiscal dans le cadre des nos consultances.

Elle est subdivisée en trois sections. La première porte sur l’historique de la création de la Direction Générale des Recettes de Mai-Ndombe, la deuxième aborde sa mise en œuvre, et la dernière traite du plan de relance de cette régie. 

I.          HISTORIQUE DE LA CREATION DE LA DGRM

Dans le financement de son programme de développement, chaque province a besoin des moyens de sa politique dont l’essentiel doit provenir des ressources propres. Cela a conduit la province de Mai-Ndombe, à l’instar des autres provinces,  a créé sa régie financière provinciale, dénommée : Direction Générale des recettes de Mai-Ndombe, DGRM, en sigle.

Deux arrêtés consacrent la volonté de l’Autorité Provinciale de Mai-Ndombe à doter cette régie d’un cadre organique ainsi que des cadres de direction. Il s’agit d’une part,  de l’Arrêté Provincial n° 08/CAB/CSP/GNMB/MA.N/2016 du 08 janvier 2016 portant création et fonctionnement de la Direction Générale des Recettes du Mai-Ndombe, et d’autre part, l’Arrêté Provincial n° 09/CAB/CSP/GNMB/MA.N/2016 du 08 janvier 2016 portant nomination du Directeur Général et du Directeur Général Adjoint de la Direction Générale des Recettes du Mai-Ndombe.

Il sied de rappeler que la commission chargée de la mise en œuvre de la DGRM était composée,  d’une part des futurs animateurs, et d’autre part, d’éventuels prétendants auxdits postes, par conséquent le décor était déjà planter pour paralyser le bon démarrage de la régie. Ainsi, la rétrocession à allouer à la Régie pour son fonctionnement et la motivation du personnel, délibérément diminuée, constituait déjà une entrave au bon démarrage de cette régie.

Par conséquent, ces deux arrêtés sont le résultat d’un « pseudo-consensus » entre deux courants de pensée, voire deux visions de mobilisation des recettes provinciales au niveau de la Province de Mai-Ndombe que nous qualifions des conservateurs et des réformateurs.

En effet, le courant conservateur, fort de l’expérience de la défunte Brigade des Recettes de Bandundu, BRB, en sigle, voudrait faire de la DGRM, une simple Brigade des Recettes de Mai-Ndombe tandis que le courant réformateur, voudrait mettre en place une régie financière, à l’instar des toutes les autres régies provinciales.

 II.         MISE  EN ŒUVRE  DE LA DGRM

1.   Contraintes relevées dans la mise en œuvre de la DGRM

La coexistence de deux visions sus évoquées dans la mobilisation des recettes provinciales constitue la contrainte majeure dans la mise en œuvre de cette nouvelle régie.

En effet, en sus de cette contrainte, deux faits dénotent déjà du mauvais démarrage et ont contribué à aggraver ce climat combien délétère, à   savoir :  l’absence de remise et reprise entre les autorités de la défunte Brigade des Recettes de Bandundu et les autorités des trois nouvelles régies des provinces  de Kwango, Kwilu et Mai-Ndombe, d’une part, et le déversement de l’effectif des cadres et agents de cette défunte Brigade se trouvant dans la nouvelle Province de Mai-Ndombe au sein de la DGRM.

En réalité, le gros des cadres et agents de la DGRM continuent à faire allégeance à leurs anciens chefs hiérarchiques de la BRB, devenus mentors et collaborateurs des nouvelles Autorités Provinciales de la Province de Mai-Ndombe et défiant, par conséquent, la hiérarchie officielle de la DGRM en préservant la rente financière de la BRB à travers un réseau des agents disséminés dans les centres et antennes de la DGRM.

Ce climat est perturbé aussi par la non ouverture d’un compte escroc auprès d’un intermédiaire bancaire,  sensé recueillir les recettes fiscales et non fiscales de la province avec un nivellement automatique vers les comptes de la Province et de la Régie au prorata des pourcentages définis dans l’arrêté portant création de la Régie et ce, en contrepartie des facilités de caisse et autres services financiers en faveur de la province.

2.   Stratégies de mise en œuvre

Dès leur installation, les nouvelles autorités de la DGRM, sous l’impulsion des autorités provinciales,  se sont attelées, notamment à :

    Ø  Doter la régie d’un bâtiment servant des bureaux pour la Direction Générale à Inongo, Chef-lieu de la Province ;

Ø  Ouvrir un compte bancaire pour le paiement des impôts et taxes par voie bancaire ;

Ø  Concevoir et commander les imprimés de valeur, indispensables à la mobilisation des recettes ;

Ø  Concevoir et réaliser les supports nécessaires à la campagne de recouvrement de l’Impôt Foncier, l’Impôt sur le Revenu Locatif et l’Impôt sur les véhicules auto moteurs (Vignettes) ;

Ø  Visiter les antennes et les centres de la DGRM dans les territoires pour évaluer leur potentiel fiscal et non fiscal, fixer les assignations y afférentes et vulgariser l’Arrêté portant création et fonctionnement de la Régie;

Ø  Sensibiliser les cadres et agents de la DGRM sur la nouvelle vision de l’Autorité Provinciale en matière de mobilisation des recettes provinciales ;

A ce jour, les supports médiatiques nécessaires au lancement de la campagne sur la collecte des impôts étaient déjà réalisés et ledit lancement ne dépendait que de la disponibilité de l’Autorité Provinciale. 

C’est sur ces entrefaites que nous apprenons le départ du premier Directeur Général de la DGRM, signe du profond malaise qui règne dans le management de cette régie financière et son remplacement par celle qui fut, il y a peu, la déléguée du fournisseur d’imprimés des valeurs à la DGRM. Cette double casquette, DG de la DGRM et fournisseur des imprimés des valeurs aura une incidence négative dans les coûts des imprimés et ce, au détriment de la province.  

 III.       PLAN DE RELANCE DE LA DGRM

Le climat malsain, consécutif au départ du premier Directeur Général de la DGRM, quelqu’en soient les raisons, n’est pas de nature à faciliter la tâche à son successeur, surtout lorsqu’elle peut être perçue par les conservateurs comme une victoire sur les réformateurs. En tout état de cause, le grand perdant, c’est l’Exécutif Provincial qui voit l’échéance de disposer des recettes propres pouvant financer son programme de développement s’éloigner au profit du coulage des recettes.

Aux grands maux, grands remèdes, dit-on, il devient impératif de prendre des mesures drastiques et coercitives pour juguler le coulage des recettes.

En effet, aucun développement ne peut se réaliser en province sans l’accompagnement d’un partenaire bancaire, assuré des toucher ses frais financiers et autres intérêts résultant de la garde ou financement des projets de développement de la province.

 Pour ce faire, nous recommandons ce qui suit :

1.   En matière de Gestion des Imprimés :

Ø  Collaborer avec l’Hôtel des monnaies dans l’impression des imprimés de valeur de la DGRM pour sécuriser le circuit d’approvisionnement surtout que son offre était alléchante par rapport aux concurrents;
ØRecourir à la gestion informatisée de la comptabilité des matières au niveau de la DGRM ;

Ø    ØAssurer un approvisionnement régulier des centres et antennes en imprimés de valeur.

 2.    En matière d’accompagnement  bancaire :

 Ø  Relancer le partenariat avec le banquier en canalisant les recettes vers le compte escroc pour un nivellement automatique ;

Ø  ØAutomatiser la perception des recettes dans les grands centres en partenariat avec le banquier et non avec le fournisseur des imprimés de valeur ;

Ø    ØBancariser les salaires des cadres et agents de la DGRM pour réduire le coulage des recettes.

 3.    En matière de Gestion du Personnel :

 Ø  Procéder à une mise en place générale du personnel de la DGRM dans les centres et antennes de la province ;

Ø  ØOrganiser la formation de mise à niveau de tout le personnel de la DGRM en collaboration avec les partenariats traditionnels.  

 

4.   En matière de fonctionnement et motivation du personnel :

Au terme de l’article 5 de l’Arrêté Provincial n° 08/CAB/CSP/GNMB/MA.N/2016 du 08 janvier 2016 portant création et fonctionnement de la Direction Générale des Recettes du Mai-Ndombe, la Régie dispose, pour son fonctionnement et la motivation de son personnel, d’une allocation budgétaire d’au moins égale à 10% des recettes fiscales et à 25% des recettes non fiscales recouvrées ainsi que de 50% des pénalités fiscales et non fiscales recouvrées constituant la caisse des contentieux.

Dans la quotité des 25% des recettes non fiscales recouvrées, 12,5% sont destinées au fonctionnement et à la motivation du personnel de la DGRM et 12,5% aux services d’assiette au prorata de ses réalisations alors que  la défunte Brigade de Recouvrement de Bandundu disposait d’une allocation budgétaire de 45% des recettes recouvrées à cette fin.  

De ce qui précède, la quotité de 12,5% des recettes non fiscales recouvrées ne peut permettre un fonctionnement harmonieux, au contraire constitue une occasion de coulage des recettes pour un  personnel habitué à disposer des 45% de rétrocession.

A ce stade du démarrage de la régie, nous recommandons, en attendant la viabilisation de la Régie, une des deux alternatives ci-après:

Ø  La prise en charge du fonctionnement et motivation du personnel de la Direction Générale de la Régie par l’Exécutif Provincial qui permettra d’affecter  l’actuelle rétrocession aux centres et antennes de la DGRM ;

Ø  A défaut, revoir à la hausse la quotité allouée à la régie en concurrence de 20% pour les recettes fiscales et 35% pour les recettes non fiscales.

En effet, la clé de répartition actuelle ne permet pas de couvrir les frais de fonctionnement et la motivation tant de la Direction Générale que des Centres et Antennes de la DGRM, surtout à ce stade où la campagne sur l’Impôt Foncier, l’impôt sur le Revenu Locatif et Vignettes n’est pas encore lancée.

 

5.    En matière de recouvrement de la taxe spéciale conventionnelle pour la reconstruction (évacuation du caoutchouc, grumes et bois sciés, des produits agricoles, forestiers, de pêche, de chasse, d’élevage et autres vers les autres provinces :

Nous recommandons d’installer les guichets uniques à :
Ø  KINSELE pour le transport routier ;
Ø  MUSHIE pour les bateaux, baleinières et pirogues motorisées provenant des rivières Lokoro, Lutoy, Lukenie, Mfimi et Kasaï ainsi que le Lac Mai-Ndombe ;
Ø  KWAMOUTH  pour les bateaux, baleinières et pirogues motorisées provenant du Fleuve Congo, essentiellement transportant les produits agricoles provenant de Yumbi, Bolobo et Mushie.

Nous recommandons d’installer à la localité de Mai-Ndombe sur le Fleuve Congo, une Antenne de Contre vérifications  et Redressement de tous bateaux, baleinières et pirogues motorisées provenant de la Province de Mai-Ndombe et ce, en collaboration avec le Poste  de Police Fluviale.

6.    En matière de collecte des Impôts Provinciaux et Locaux et recouvrement des Taxes, Redevances et  autres Droits dus à la Province au niveau des grands opérateurs économiques de la Province, il est recommandé de créer une Division des Grands Opérateurs Economiques de la Province, chargée de gérer leur répertoire en collaboration avec les institutions bancaires.

 7.   En matière de collecte des Impôts des autres Assujettis, il est recommandé de créer une commission mixte « DGRM et Chefs des quartiers ou Chefs de Cités » sous la supervision des autorités politico-administratives du ressort,  chargée de coordonner la collecte de l’Impôt Foncier, Impôt sur le Revenu Locatif et Vignettes.

 

8.    En matière de recouvrement des autres taxes, redevances et autres droits dus à la Province, il est recommandé de créer une commission mixte «  DGRM et Services d’assiettes », chargée de regrouper les services par branches d’activités auxquelles la DGRM affectera des ordonnateurs.

                                        

En conclusion, il est de notoriété publique que la Province de Mai-Ndombe dispose d’un potentiel fiscal et non fiscal, tout est question de management de la régie pour réaliser ses missions car tout démarrage manqué aura des répercutions sérieuses,  non seulement  sur le Trésor Provincial, mais aussi et surtout sur la crédibilité des Autorités Provinciales quant à leur capacité à se doter des moyens de leur politique.

Que l’immense espoir placé au ticket actuel qui dirige la Province de Mai-Ndombe  ne se transforme pas  en illusion et donner raison  aux nombreux détracteurs lors de l'évaluation du mandat. 

Répondre à cet article